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Cailloux précieux

Newsletter 08 janvier 2021
MI-F - Cailloux précieux

ÉDITO

Les minéraux industriels acquièrent de nouvelles vertus dans un monde fragilisé par  la crise sanitaire.

Plus tard, on dira peut-être, qu’à notre époque, le but étrange de l’économie était d’éloigner le plus possible les lieux de production des lieux de consommation. Mais, la crise du Covid est passée par là. Elle a fait apparaître la vulnérabilité de ces chaînes de valeur éparpillées dans des dizaines de pays à travers la planète, des baskets aux composants de téléphones mobiles en passant par les médicaments. Dans ce monde évanescent, où la poule a du mal à retrouver ses petits, l’industrie des minéraux a de puissants atouts à mettre en avant.

Ressource locale

Tout d’abord, les minéraux génèrent une activité structurante dans un monde désorienté. Le minéral, c’est la ressource première et locale par excellence, par définition impossible à déplacer. Cette base solide offre la possibilité de développer un territoire dans une vision à long terme de « cluster économique » permettant une intégration verticale : toute la chaîne de valeur développée autour d’un site, par opposition à la spécialisation sur une seule fonction. De plus, les métiers et les savoirs qui vont avec sont aptes à répondre aux différents défis qu’a aggravés la crise sanitaire : la nécessité de préserver l’environnement, le besoin de cohésion sociale ou la capacité à mieux gérer les ressources à notre disposition

« Les minéraux génèrent une activité
dans un monde désorienté »

Sobriété

Question sobriété et durabilité, les minéraux s’intègrent dans d’innombrables applications adaptées à ces attentes. Talcs, silice, kaolin, carbonate de calcium introduits dans les plastiques permettent de durcir et d’économiser la matière dans l’industrie automobile. Nous avons étudié de plus près le cas du quartz, un minéral qui ne se dégrade pas et qui, transformé en silicium entre dans la composition d’équipements stratégiques, comme les panneaux solaires.

Savoirs partagés

Les minéraux fournissent aussi du savoir. Les décennies de pratique de l’extraction, ont donné lieu à une immense accumulation de connaissances, comme nous l’a expliqué Frédéric Simien, du BRGM, le Bureau de Recherches Géographiques et Minières. En ce sens, les carrières sont aussi des bibliothèques dans lesquelles on peut puiser. Par exemple pour maîtriser l’art et la manière de réhabiliter les sites et contribuer ainsi à la lutte contre l’appauvrissement de la biodiversité. Nous avons pu le constater sur le site de Montpothier, dans l’Aube. Cette ancienne carrière d’argile est devenue un refuge pour de multiples espèces végétales et animales menacées, qui y trouvent les conditions de leur renouvellement. On peut y admirer l’orchis brûlé, une orchidée terrestre rare à forte valeur patrimoniale, où y croiser le Murin de Bechstein une chauve-souris classée dans les espèces vulnérables.

« Les carrières sont aussi des bibliothèques
dans lesquelles on peut puiser »

Ouverture à la diversité

Dans un monde où les écarts se creusent en même temps que se lézarde le pacte social, l’industrie des minéraux a aussi un rôle utile à jouer. Loin de l’entreprise ultra concentrée sur quelques fonctions de supervision, loin aussi de l’économie urbaine et dématérialisée, la carrière et ses territoires variés alimentent toute une palette de métiers, du plus technique au plus intellectuel. C’est un organisme complet où chacun peut trouver sa place. Dans cet esprit, nous avons exploré l’idée d’une industrie plus ouverte à la diversité et à la parité comme gage de réussite et de créativité.

« La carrière et son exploitation forment
un organisme complet où chacun peut trouver sa place
 »

 

LE MINÉRAL

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Le quartz

Un minéral irremplaçable pour la production du silicium, matière première stratégique à l’échelle européenne.

Le quartz fait partie de ces minéraux stratégiques dont il est souhaitable de protéger l’approvisionnement. Le quartz fait partie de ces minéraux dits sensibles dont il est souhaitable de protéger l’approvisionnement.Semi conducteur, abrasif, non dégradable et capable d’apporter de la rigidité, il  décline, une fois transformé en silicium, des qualités qui intéressent autant la fonderie que l’industrie chimique ou électro -– métallurgique Du quartz, en effet, on obtient, par réduction, le silicium, obtenu par réduction du quartz qui au cours d’un procédé electro intensif, l’electro-métallurgie, est un atome aux nombreuses vertus.

Vulnérabilités et enjeux environnementaux

Le quartz joue parfaitement son rôle de ressource locale. Le silicium produit en France, l’un des deux principaux producteurs européens, avec la Norvège, est consommé à 95% en Europe. Cependant, la tentation est grande de se servir à l’extérieur. La Chine, capable de produire à elle seule l’intégralité des besoins mondiaux, peut à son aise organiser la guerre des prix. L’Europe y est d’autant plus vulnérable qu’elle oppose aux importations, des barrières douanières cinq à dix fois moins élevées que les Etats-Unis ou le Canada. La crise du Covid pourrait être une occasion de se repencher sur le sujet, pour assurer une meilleure protection aux industriels européens. D’autant que la transformation du quartz en silicium est extrêmement intensive en électricité et que, vu sous cet angle, le bilan environnemental est favorable aux Européens : l’électricité chinoise émet treize fois plus de CO2 que celle produite en France.

« L’électricité Chinoise émet treize fois plus de CO2 que celle produite en FranceLa Chine peut à son aise organiser la guerre des prix. »

Une bonne coordination entre exploitation et remise en état

Autre atout : L’industrie du quartz a  par ailleurs accumulé un précieux savoir-faire en matière de réhabilitation des sites. L’expérience montre que moins de cinq ans après l’épuisement d’un gisement et sa reconversion, le niveau de biodiversité dépasse ce qu’il était avant le début de l’exploitation. Les conditions d’extraction favorisent ces performances. Les gisements de quartz en France sont jugés relativement faciles à exploiter. Sur des terrains alluvionnaires anciens et à de faibles profondeurs, les matériaux permettant de régénérer les sols abondent. Encore faut-il s’assurer d’une bonne coordination entre l’exploitation et la remise en état. Les sites reconvertis peuvent aussi être consacrés aux énergies renouvelables, transformés en champs de panneaux solaires.

« Des capacités à transformer l’énergie lumineuse en énergie électrique. »

 

LE SITE

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On vous écrit de Montpothier

Le lieu est un exemple éclatant de la possibilité de transformer une ancienne carrière en écrin de biodiversité.

Une fois repérés l’un des chemins étroits par lesquels on parvient à percer la ceinture de bois dense et de végétation luxuriante, la randonnée conduit jusqu’à un petit plateau à la végétation rase. De là, on domine une vaste étendue d’eau, protégée au loin par de petites falaises. Il ne s’agit pas d’un paysage du Pantanal, mais de l’ancienne carrière reconvertie de Montpothier, à une dizaine de kilomètres au Nord de Nogent-sur-Seine, dans le département de l’Aube. Un site qui, toutes proportions gardées - nous ne sommes pas sous les Tropiques- se distingue par sa riche biodiversité.  

« Le site donne aujourd’hui l’apparence de la nature sauvage. »

Le plus spectaculaire : les oiseaux

Côté végétal, Montpothier affiche une diversité de fleurs remarquable : 214 espèces au total, dont une douzaine à haute valeur patrimoniale, classées rares ou menacées, ce qui est exceptionnel pour ce type de lieux dans la région. On peut y admirer en particulier, avec beaucoup de patience, différentes orchidées dont l’Ophrys araignée ou l’Orchis brûlée. Côté faune on peut y croiser renard, blaireau, lapin de garenne et écureuil roux, et surtout cinq espèces de chauve-souris, dont certaines en grande vulnérabilité ailleurs. Reptiles et amphibiens, du triton crêté au lézard des souches, sont également à leur aise à Montpothier. Le plus spectaculaire concerne les oiseaux, qui ont bien identifié le havre de tranquillité que pouvait représenter la zone : sur les 91 variétés recensées, 27 figurent sur liste rouge des espèces nicheuses menacées de Champagne Ardenne. Parmi elles, le Pouillot de Bonelli et l’Engoulevent d’Europe.

« Reptile et amphibiens, du triton crêté aux lézard des souche, sont également à leur aise à Montpothier. »

L’art et la manière de reconvertir

C’est là qu’interviennent l’art et la manière de reconvertir les carrières, développé par l’industrie des minéraux. A Montpothier, les anciens fronts de taille se sont transformés en microfalaises, tandis que, ce qui était des dépôts de matériaux, forment à présent des buttes aux formes arrondies. A l’inverse, les trous pratiqués pour l’exploitation se sont progressivement remplis d’eau et forment différents lacs de bonne taille, dont le plus remarquable s’étend sur près de 3 hectares. Et la nature a conquis ici de nouveaux droits.

 

QUESTION À ….

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Frédéric Simien, (BRGM)

Les connaissances acquises dans l’exploitation des minéraux industriels peuvent-elles inspirer d’autres secteurs ?

Dans un monde où le partage des connaissances représente un facteur de progrès majeur, le secteur des minéraux industriels a son rôle à jouer. C’est ce que décrit Frédéric Simien, du BRGM, le Bureau de Recherches Géologiques et Minières, qui a le statut d’établissement public. A l’entendre, on a le sentiment que les explorateurs du sous-sol suivent les traces des princes de Serendip. Les trois personnages de ce conte persan atteignent leur but en se laissant guider par des indices sans lien apparent avec leur quête. Le phénomène est bien connu en recherche fondamentale. Les prix Nobel découvreurs de l'interférence de l'ARN, par exemple, avec ses applications médicales majeures, sont partis d'un travail de chercheur en agronomie …  sur le bleu des pétunias. Le philosophe anglais Horace Walpole vit dans le célèbre conte, une métaphore de la faculté à intégrer l’imprévu de manière créative.

« La faculté à intégrer l’imprévu de manière créative. »

Convergence entre différents types de recherches

C’est ce qui s’est passé en Camargues, où l’exploitation du sel en souterrain a été possible grâce  à l’exploration pour trouver desla recherche d’ es mines de sel ont été découvertes en cherchant au départ des hydrocarbures. Et l’histoire ne s’est pas arrête pasée là. Alors que les gisements de chlorure de sodium sont est aujourd’hui en voie d’épuisement, le site donne les profondes incisions, à plus de 1500 mètres, pratiquées pour les atteindre, donnent à présent des idées aux professionnels de la géothermie car les températures sont élevées vers – 2500 mètres de profondeur. « C’est un phénomène remarquable de convergence entre différents types de recherches et d’activités » note Frédéric Simien. Autre exemple, pittoresque mais avec un vrai enjeu économique, cité par ce géochimiste de formation : l’exploitation du calcaire en région parisienne et du tuffeau dans le Val de Loire, a laissé ensuite la place à des champignonnières, et permis l’essor d’une véritable industrie des célèbres champignons de Paris.

 

L’IDÉE ...

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Diversité et parité créatives


Un homme et une femme, pour deux fois plus de créativité

La diversité est une évidence dans le monde du vivant. Elle devrait l’être aussi dans l’entreprise. L’expérience montre que, lorsque les sensibilités, les cultures et les genres se côtoient, le groupe est plus créatif et plus solide. On parle aussi de la résilience générée par la capacité d’allier les différences et les contraires.

Du chemin à parcourir

Dans un environnement chaotique où chocs, rebonds et gestion de crise, comme aujourd’hui celle du Covid-19, font partie du quotidien, les entreprises ont tout à y gagner. Cette diversité bienfaisante peut commencer par la recherche de la parité entre hommes et femmes. C’est un domaine où les secteurs traditionnels, auxquels sont associés les minéraux, ont beaucoup de chemin à parcourir. Dans les deux sens d’ailleurs : les vieilles industries favorisent l’entre soi masculin, du moins c’est leur réputation, et à ce titre elles n’attirent pas forcément les candidatures féminines.

Risque de pénurie de talents

Au-delà des principes, il existe des raisons très concrètes de favoriser la parité dans le secteur des minéraux industriels. On estime qu’actuellement 60 % des diplômés de l’enseignement supérieur sont des femmes. C’est un peu moins vrai pour les écoles d’ingénieurs mais, globalement, ne pas privilégier l’emploi des femmes revient à ne recruter que dans le réservoir de talents le plus étroit, et risquer ainsi d’être davantage touché par la pénurie qui se profile. De sérieuses difficultés de recrutement s’annoncent également au niveau des techniciens. Là aussi, parvenir à s’adresser bien davantage aux femmes est un enjeu de première importance. « On ne voit guère de femmes piloter une chargeuse, remarque une personnalité du secteur, et pourtant cette fonction, comme toutes les autres, est aujourd’hui, grâce à l’évolution technique, autant à la portée d’un homme que d’une femme ».

« Négliger l’emploi des femmes revient à ne recruter que dans le réservoir de talents le plus étroit. »

Un problème d’image

Mais la parité ne s’improvise pas. Comme pour tous les grands changements, l’impulsion doit venir d’en haut : du sommet du management. D’autant que l’industrie, comme tous les secteurs nés bien avant le droit de vote pour tous, doit travailler un problème d’image vis à vis des femmes. « Cela affecte les recrutements autant au niveau du management que des niveaux intermédiaires et des techniciens » poursuit notre interlocuteur. Il s’agit donc de faire savoir que le secteur des minéraux n’est plus cette industrie vieillotte que certains imaginent, qu’elle a besoin de nouvelles compétences et offre de nouveaux métiers, dans la réflexion stratégique, la gestion de l’environnement, la médiation sociale, …  et que l’évolution technologique rend l’ensemble de ses métiers accessible à chacun.

« Faire savoir que le secteur des minéraux n’est plus cette industrie vieillotte que certains imaginent.»

 

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